Faute ou imprudence de l'abbé Bourg
Selon Bona Arsenault, Joseph-Mathurin Bourg avait exercé chez nous de 1773 à 1794. Ce missionnaire itinérant et grand vicaire était né à Rivière-aux-Canards, en Acadie, le 9 juin 1744. Il vécut avec sa famille la déportation des Acadiens en 1755. Dix-sept ans plus tard, le 19 septembre 1772, il fut ordonné prêtre dans la chapelle de l'Hôtel-Dieu de Montréal.
En 1773, il fut envoyé en mission auprès des Acadiens dispersés en Nouvelle-Écosse. Le territoire de sa mission incluait la Gaspésie. Son premier acte avait été inscrit aux registres de Bonaventure le 3 septembre 1773. Plusieurs de ses actes figurent dans les registres de Ristigouche et des transcriptions dans ceux de Tracadièche (Carleton).
À Paspébiac, le 24 avril 1774, il signait l'acte de baptême de Jean-Michel Chapado, né en 1773 : Joseph M. Bourg Prêtre miss; le 28 avril 1774, deux baptêmes d'enfants nés en 1772 et 1773 : J. M. Bourg missionnaire de Baye des Chaleurs. Le 17 avril 1782, il baptisa vingt-deux enfants énumérés en un long acte en lui-même, des enfants nés entre 1777 et 1782, et il signa Joseph Mth Bourg.
L'abbé Bourg s'était établi à Tracadièche et y résida jusqu'en 1784. Puis, il partit à Halifax,. Peu de temps ! Car il revint à la baie des Chaleurs en février 1786 et trouva à la tête de sa mission un jeune prêtre, un dénommé Antoine Girouard. Monseigneur Louis-Philippe Mariauchau d'Esgly divisa alors la baie des Chaleurs, la rive nord à l'abbé Bourg et la rive sud à l'abbé Girouard. L'abbé Bourg continua par ailleurs de s'occuper des Autochtones de toute la mission.
Selon ces informations, il devait donc être présent à la baie des Chaleurs durant toute la guerre de l'Indépendance américaine, du 19 avril 1775 au 11 avril 1783, et le jour même de l'arrivée de Loyalistes à Paspébiac, le 2 juillet 1784. De son côté, Charles Robin avait fui la place pour son île d'origine anglo-normande, pour revenir parmi nous après la fin de la guerre. Au sujet de nos registres, il semble que beaucoup d'actes des années 1784, 1785 et 1786 avaient aussi disparu dans l'incendie de l'église de Bonaventure en 1791. Qui ou quoi ne nous dit pas que des actes seraient disparus à cause de cette guerre qui dura huit ans moins huit jours, une période pendant laquelle beaucoup d'actes restent manquants à jamais ?
Durant l'hiver de 1789 et 1790, malade, l'abbé Girouard séjourna chez l'abbé Bourg. Il observa la vie que menait son confrère et constata une conduite imprudente avec la servante du presbytère, Marie Savoye, 40 ans. Il adressa une lettre en latin au nouvel évêque de Québec, Jean-François Hubert. L'abbé Bourg prétendit être un parent de la servante. Bien que l'abbé Girouard reconnut qu'elle était ''bonne servante et bonne cuisinière'', il affirma tout de même qu'elle régnait sur les affaires du presbytère et de la paroisse. Il l'accusa aussi d'être la cause de certaines querelles entre le missionnaire et ses paroissiens. Le nouvel évêque ordonna à l'abbé Bourg d'être plus prudent et le missionnaire s'y engagea. L'abbé Antoine Girouard quitta la région en 1790.
À Paspébiac, les registres officiels commencèrent le 26 août 1791 avec un mariage. Le missionnaire signait J. Mth Bourg prêtre. Le lendemain, le 27, il procédait aux cérémonies du baptême de sept enfants. Le 29, il baptisait une enfant de La Nouvelle.
Le 29 avril 1792, il baptisait cinq autres enfants. Le 1 mai, ce fut le dernier baptême d'une enfant de New Carlisle. Voilà un registre qui dura un an, huit mois et trois jours !
Selon un Bulletin des recherches historiques (vol. 4 à 6) :
M. Bourg avait généreusement fait don à l'église de Carleton des terres sur lesquelles étaient bâtis l'église et le presbytère. L'église était inachevée et le presbytère avait besoin d'urgentes réparations. M. Desjardins se mit à l'oeuvre en arrivant, pour faire continuer ces travaux. (p. 165)
Acadien de naissance, Joseph-Mathurin Bourg avait survécu à la déportation. Il ne fut pas le premier prêtre né en Acadie. Par contre, il fut le premier missionnaire acadien à y revenir après la dispersion. Il décéda à Saint-Laurent, près de Montréal, le 20 août 1797, à l'âge de 53 ans.
© Lucie Delarosbil, 2020
SOURCES & RÉFÉRENCES : Joseph-Mathurin Bourg : DBC par Eloi Degrâce, Wikipédia, Musée acadien, Acadie sur FB, Bona Arsenault, Histoire des Acadiens, p. 298 à 301; BRH (p. 9 à 20); Révolution américaine : Invasion au Canada et Loyalistes au Canada dans L'encyclopédie canadienne, Michel Goudreau, ''L’arrivée des réfugiés loyalistes dans la Baie-des-Chaleurs'', dans Magazine Gaspésie, 2014, p. 20 à 22 (Erudit); Antoine Girouard : DBC par Jean-Paul Bernard; Mgr Louis-Philippe Mariauchau d'Esgly : Wikipédia; Mgr Jean-François Hubert : DBC par Gilles Chaussé, Wikipédia.