Avant l'ancien registre de la Gaspésie

Publié le par Lucie Delarosbil

Dès avant la venue de Jacques Cartier en 1534, des pêcheurs saisonniers, Basques, Bretons et Normands venaient à chaque printemps pêcher la morue dans la Baie des Chaleurs, puis s'en retournaient en Europe à l'automne et ce à raison de plusieurs dizaines de bateaux par saison. Il est probable que, d'année en année, ils aient décidé d'hiverner à Percé, Pabos, Grande-Rivière et ailleurs sur la côte. Pabos était fréquenté au moins depuis 1719, et comme le Président du conseil de la marine recommande, en 1728, de verser 400 livres par année au récollet Gélase de Lestage qui est déjà dans la Baie des Chaleurs, il est probable qu'il y avait quelques habitants européens en permanence en plus des Mic-Macs de Restigouche. (Michel Emard, 1980, p. 9)

Gélase de Lestage

Jean-François de Lestage, deuxième de quatorze enfants, était né à Québec le 29 juin 1692. Ce fut le 27 avril 1709 qu'il prit le nom de ''frère Gélase'', lors de sa profession. Pourquoi avait-il choisi ce prénom ? On ne le sait. Très ancien, ce prénom avait été porté par deux papes, au 1er et au 2e siècle. Il semble qu'aucun acte n'atteste que Gélase de Lestage fut ordonné prêtre, ni en France, ni au Québec. Cependant, le 1 juin 1716, il commença à faire du ministère dans des domaines du roi en Nouvelle-France jusqu'au 18 août 1717. À cette époque, le roi de France et de Navarre était Louis XV, appelé le ''Bien-Aimé''. 

En 1718 ou 1719, ''il se rend chez les Micmacs pour y apprendre leur langue et s'y familiariser avec leurs moeurs, sous la conduite de son confrère Michel Brulé''. Ce confrère, élu en 1705 ''missionnaire des Micmacs'', avait occupé le poste au golfe Saint-Laurent pendant dix-sept ans, incluant Ristigouche, une seigneurie appartenant à Pierre Rey-Gaillard. Ce dernier se plaignait contre Michel Brulé qui protégeait le commerce des Micmacs et qui, en 1722, laissa définitivement sa place à Gélase de Lestage.

En 1720, on retrouvait souvent Gélase de Lestage à Rimouski. Il faisait le trajet de Ristigouche en passant à travers la forêt jusqu'à Métis par le lac Matapédia. Il se dévoua à cette mission de la baie des Chaleurs, pour cette première nation, jusqu'au plus tôt le 24 juin 1728, date où le comte de Maurepas voulut lui attribuer 400 livres. En 1729, il repartit en ville et revint auprès de sa nation préférée, non plus à Ristigouche, mais à Miramichi où il demeura quinze ans. En 1733, on trouve sa signature en Acadie, au moins quatre fois dans le registre de Beaubassin : f. Gélase Delestage, Rec. Miss. On ne retrouve aucun acte signé par lui dans les registres de Ristigouche.

Le 18 septembre 1757, deux ans pile avant la capitulation de Québec, après s'être consacré pendant sept mois à l'Hôpital-Général de Québec, aux soins de patients pestiférés, il devint ''victime de son dévouement'' car il contracta la terrible maladie. Ce fut le père Jean-Baptiste de la Brosse qui accompagna sa dépouille au couvent des Récollets, à la haute-ville de Québec. Il avait 66 ans.

Une origine basque du patronyme Lestage se trouve chez un certain Pierre de Lestage, né en 1682 à Bayonne. Ce nom de famille du sud-ouest de la France représenterait le toponyme ''l'estage'' qui désigne en ancien francais ''résidence, demeure ou l'on habite''.

© Lucie Delarosbil, 2020

SOURCES & RÉFÉRENCES : Jean-François ''Gélase'' de Lestage : Maxime Morin (p. 196-222), Filae (étymologie du patronyme), Odoric Jouve (p. 265 à 269), Cyprien Tanguay (p. 84), Wikipédia (prénom et papes). Michel Bruslé (Brulé) : Maxime Morin (p. 196-222), DBC par Jacques Valois, Odoric Jouve (p. 59 à 65), Cyprien Tanguay (p. 80); Pierre Rey-Gaillard : Francogène; Jean-Frédéric Phélypeaux de Maurepas : Wikipédia, WikiwandPierre de Lestage : DBC par Dale Miquelon.

Publié dans Missionnaires

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É
Merci beaucoup pour cet article très intéressant, Lucie. Selon le site geopatronyme.com, le nom «Lestage» est associé à 268 naissances en France entre 1966-1990, et on le retrouve surtout dans les départements de la Gironde et des Landes, ce qui vient appuyer l'hypothèse d'une transmission basque. Morphologiquement, «Lestage» est effectivement composé du déterminant «l'» et du nom «estage». On voit apparaître le mot dans l'un des plus vieux textes de la langue française (la «Chanson de Roland» vers 1080). Son origine est latine (de «stare», se tenir debout) et, étymologiquement, il est apparenté à une multitude de mots, dont notamment: apoSTAsie, armiSTice, arrêt (ad-reSTAre), circonSTAnce, conSTAt, deSTination, éTAblir, éTAt (et l'anglais STAte et des formes en -STAn, comme AfghaniSTAn, PakiSTAn, etc.), éTAgère, éTAge (qui est l'évolution d'«estage» en français moderne), résiSTAnce, etc. En ancien français (GREIMAS 2012), on recense 7 emplois du mot «estage»: 1) habitation, demeure; 2) bâtiment destiné à divers usages, logement; 3) estrade, plateforme; 4) séjour, le fait de demeurer; 5) stature, taille, manière d'être; 6) état, position, place; 7) opposition, résistance, lutte. Source: GREIMAS, A. J. (2012). Le dictionnaire de l'ancien français, Paris, Larousse, 630 p.
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