Paspéya de souche
Voici l'entretien avec un jeune descendant d’ancêtres de Paspébiac qui a accepté avec plaisir de répondre à mes questions. Il est aussi un descendant patronymique de notre pionnier Bertrand. J’espère que son grand intérêt de la vie de nos anciens continuera de grandir et deviendra contagieux chez d’autres jeunes.
Peux-tu nous parler de toi en quelques phrases ?
Je m’appelle Simon Delarosbil. Je suis né le 20 décembre 1994 et je suis originaire de Paspébiac. J’étudie présentement au baccalauréat d’histoire à l’Université du Québec à Rimouski.
Depuis quand t'intéresses-tu à la généalogie ?
Je m’intéresse à la généalogie depuis que j’ai eu un cours sur l’histoire des régions de l’Est-du-Québec à l’automne 2015. Je devais produire un travail retraçant la vie de trois générations d’une famille ayant habité dans l’Est-du-Québec avant 1900. J’ai alors choisi de travailler sur les trois premières générations de ma famille à Paspébiac. Avec ton aide, je me suis familiarisé avec les bases de la recherche généalogique. J’ai aussitôt développé une passion pour la généalogie qui ira au-delà d’un travail universitaire.
Je suis allé à la Société généalogique de Rimouski et à la Bibliothèque et Archives nationales du Québec à Rimouski à quelques occasions pour mousser ma recherche.
Quels sont tes liens avec Paspébiac ?
Depuis huit générations, ma famille est demeurée à Paspébiac. En fait, mon plus lointain ancêtre de Paspébaic est le pionnier de la famille, Bertrand, qui serait arrivé vers 1776. Dans ma recherche, j’ai découvert que mes trois premiers ancêtres, Bertrand, Pierre et Grégoire, étaient tous des pêcheurs qui avaient fort probablement travaillé pour la Compagnie Robin. Pas de doute, je suis un « Paspéya de souche ».
Connais-tu des pionniers et pionnières dans ton arbre ? Si oui, peux-tu les nommer et nous dire ce que tu sais d'eux ?
Bertrand Delarosbil est né à Bidart, au Pays basque, le 21 novembre 1733. En 1750, à l’âge de seize ans, il pêchait la morue en Gaspésie et à Terre-Neuve à bord de la flûte l'Adour. Le bateau se serait arrêté plus spécifiquement à Gaspé et Pabos. Huit ans plus tard, en pleine guerre de Sept Ans, Bertrand est engagé comme officier-marinier dans l'escadre du commandant Louis-Charles Du Chaffault pour défendre la France en Amérique septentrionale. De Rochefort (France), il part sur le vaisseau le Belliqueux, le 2 mai 1758, en direction de Louisbourg.
En plus du Belliqueux, dirigé par le capitaine Roland Martel, l'escadre comprend six frégates et trois autres navires. Le but de leur mission est d'aller défendre Louisbrourg, laquelle appartenait aux Français à cette époque. Le Bataillon d’infanterie de Cambis devait être transporté sur les lieux. À l'Île Royale (Cape-Breton), le 29 mai 1758, les Anglais ayant bloqué le port de Louisbourg, l'escadre se déplace alors à Fort Dauphin; le Bataillon de Cambis va attaquer par le sol et envoie deux officiers avertir Louisbourg. Le Belliqueux, dans lequel Bertrand se trouve toujours, arrive à Québec le 29 juin.
Un mois plus tard, le 27 juillet, Louisbourg tombe aux mains des Anglais. L'escadre décide de partir pour la France le 9 septembre, mais quelques frégates se font couler par les Anglais dans le fleuve. Le 27 octobre, les cinq navires de l'escadre de Du Chaffault dans la Manche et doivent livrer une difficile bataille aux Anglais. En raison d'un bris de gouvernail, le Belliqueux et trois navires restants, excluant le Dragon commandé par Du Chaffault, se sauvent dans la tempête du 28 octobre. Au jour suivant, le Belliqueux accoste à l'île Lundy, en Angleterre. L'équipage répare les dommages sur le vaisseau pendant deux jours. Le 1er novembre, un câble casse alors qu'il tentait de partir et le vaisseau se situe maintenant à huit lieues de Lundy.
Finalement, le Belliqueux se fait capturer par un vaisseau anglais, l'Antelope. Tous les membres de l'équipage sont dès lors emprisonnés à Bristol (Angleterre) pendant près de cinq ans, jusqu'au 6 mai 1763. Enfin partis de Southampton, ils arrivent à Saint-Malo le 22 mai. De son côté, Bertrand se réengage dans la marine française en 1764. En 1765, il est un pêcheur aguerri; ce dont il pratique depuis au moins quinze ans; on lui assigne des responsabilités plus valorisantes. Ainsi, le 6 mars 1765, il devient maître de chaloupe sur le navire Bonaventure à Portachoix, à Terre-Neuve. Mais le 16 juin, il déserte avec la chaloupe. Que s’est-il donc passé ?
Du jour de sa désertion jusqu'à ce que son nom apparaisse au recensement de Paspébiac de 1777, la trajectoire de Bertrand demeure pour le moins inconnue, à part une hypothèse de sa possible présence à Bonaventure parmi les étrangers dans le recensement de 1774. Selon la tradition orale, il parlait euskara (langue basque) et non français. Son nom est mentionné pour la première fois dans le recensement de Paspébiac de 1777. D'ailleurs, Bertrand est le seul nommé, avec une épouse (wife) et une fille de moins de 16 ans (under 16 years). Étant donné que leur fille est née le 10 mars 1777, leur mariage avait fort probablement eu lieu avant juin 1776. Aussi, on constate que la famille possédait deux vaches.
Le parcours de mon ancêtre Bertrand commence ainsi dans l'Est-du-Québec. Il est le premier Delarosbil à Paspébiac et l'unique pionnier de ce patronyme en Amérique du Nord. Sa femme est Marie Denis, fille de Louis Denis et de Madeleine Larocque. Elle est née vers 1755, probablement à Pabos et décédée à Paspébiac le 24 novembre 1911 à 60 ans. En vérité, elle devait être plus jeune de cinq ans. Elle se serait donc mariée à 21 ans tandis que son mari était âgé de 42 ans. Ils eurent neuf enfants, dont trois garçons et six filles.
Pierre Delarosbil est né le 28 mars 1779 à Paspébiac. Premier fils de Bertrand, il eut dix enfants, dont sept garçons. Il se marie le 24 février 1800 avec Marie-Rose Duguay, à Paspébiac. Leurs parents étaient cités comme étant des « pêcheurs à Paspébiac » dans l’acte de mariage. Bertrand signe son nom correctement à la fin. Les enfants de Pierre resteront à Paspébiac pour la plupart sauf trois: l’aîné Pierre, décéda à Grande-Rivière, le 9 juin 1859; Michel, le 11 février 1846, à Percé; et Jules, le cadet, eut la majorité de ses enfants à Port-Daniel.
Pierre entretiendra une bonne relation avec son frère et filleul Adrien, de treize ans son cadet. Tout comme leur père, ils sont pêcheurs. C'est une continuité paternelle qui s'explique largement par le monopole de la compagnie de Charles Robin. Il est aussi possible que Bertrand avait accumulé une dette auprès des Robin comme plusieurs autres pêcheurs de Paspébiac. Au décès de leur père en 1802, Pierre avait 23 ans et Adrien, 10 ans.
Lequel ou laquelle de tes ancêtres te fascine le plus ?
L’ancêtre qui me fascine le plus est Bertrand. Avant son arrivée à Paspébiac, il eut une vie aventurière comme je l’ai racontée ci-dessus. Il a passé près de la mort en participant à la guerre de Sept Ans. Ses fils Adrien et Pierre permirent d’enraciner le patronyme de leur père à Paspébiac.
As-tu un conseil à donner aux Descendants des ancêtres de Paspébiac ?
Je leur conseille de s’intéresser à leurs ancêtres, car les familles pionnières de Paspébiac ont une histoire riche. Comme point de départ à la recherche, de nombreuses informations fiables sont disponibles en ligne, comme sur ce blogue. La généalogie n’amène pas seulement des dates de naissance et de décès, on peut aussi y faire des découvertes sur nos propres ancêtres et en connaitre davantage sur l’époque dans laquelle ils vivaient.
*****
Sources:
- RFD, paroisse de Paspébiac, 24 février 1800: Acte de mariage de Pierre Delarosbil et Marie-Rose Duguay; paroisse de Percé, 17 mai 1846: Acte de sépulture de Michel Delarobil, époux de Catherine Dupuis; paroisse de Paspébiac, 29 avril 1792: Acte de baptême de Adrien Delarosbil, fils de Bertrand Delarosbil et Marie Denis. BAC, Recensement de 1831 du Bas-Canada, district de Bonaventure, p. 14: Famille Pierre Delarosbil (pêcheur) et Marie-Rose Duguay.
- Sur le web: Lucie Delarosbil, « L'Adour à Pabos » et « Du Belliqueux au Bonnaventure... ».
- Dans « Sources documentaires »: Lucie Delarosbil, « Le patronyme Delarosbil », dans L'Ancêtre (2013) et Ligne de vie de couple en généalogie et histoire de Paspébiac (2015). William Vondervelden, A plan of the bank of Paspébiac... (1787). Bona Arsenault, Les registres de Paspébiac 1773-1910 (1987).