Disparus avec l'église de Bonaventure

Publié le par Lucie Delarosbil

Il ne faudrait pas confondre le père Etienne, de son vrai nom Joseph-François Cotton, et le père Bonaventure, de son vrai nom Etienne Carpentier. Selon Bona Arsenault, le père Bonaventure était un missionnaire itinérant, un récollet ayant exercé de 1760 à 1769. Etienne Carpentier était né à Beaumont le 18 septembre 1716. Ordonné prêtre le 23 septembre 1741, il avait pris le nom de père Bonaventure.

En 1758, il devint missionnaire chez les Acadiens et les Autochtones de la rivière Miramichi. Au mois de septembre, sous les ordres de Wolfe, Murray détruisit leur établissement au complet, comme à Pabos, Chandler, Port-Daniel, les territoires de nos plus proches ancêtres pionniers. Le père Bonaventure fut donc forcé de fuir dans les bois vers la baie des Chaleurs.

Une parenthèse : Comme on se remémore le 18 septembre 1759 à Québec, on se remémore le 13 septembre 1758 à la baie des Chaleurs. Anglais de naissance, James Wolfe fut le personnage de la terreur par excellence en Nouvelle-France. Sous ses ordres, après la prise de Louisbourg le 27 juillet, ses hommes au commandement du colonel James Murray, ce dernier Ecossais de naissance, firent vivre à nos ancêtres des souffrances bien trop inutiles. Arrivé dans la baie de Gaspé le 4 septembre, Wolfe avait débuté de donner ses ordres de destruction le 10 septembre.

Or, donc, en 1764, l'année d'après la fin de la Conquête, Etienne Carpentier était le premier prêtre résidant de Bonaventure. Entre sa fuite de 1758 et sa résidence connue en 1764, où avait-il pu passer son temps ? Probablement une partie à Ristigouche, où les Acadiens s'étaient réfugiés jusqu'à la fin de la dernière bataille navale de cette affreuse et abominable guerre; et l'autre partie du temps à Bonaventure. Dans le registre de Ristigouche, celui qui signe f. Etienne n'était pas Etienne ''Bonaventure'' Carpentier, mais Joseph-François ''Etienne'' Cotton.

En 1766, il avait écrit à l'évêque Briand pour l'informer qu'à cause de son âge et de sa santé, il ne pouvait plus parcourir les sept à huit lieues du territoire qu'il désservait ''pour se rendre au chevet des malades''. D'ailleurs, l'année suivante, des plaintes furent portées contre lui au sujet de sa ''conduite scandaleuse'' : il aurait eu un enfant avec une femme autochtone. Briand lui exigea de venir s'expliquer à Québec. Ordre qu'il ignora ! Conséquence : il fut suspendu de toutes ses fonctions de curé et interdit de dire la messe dans le diocèse. Il remit sa mission au père Ambroise, le curé de Ristigouche, de son vrai nom Louis-Joseph Rouillard.

En janvier 1768, il se serait retiré à Paspébiac où il promit de se rendre à Québec au printemps. Il semble que son repentir fut de courte durée, car il reprit son ministère en prétextant, selon ses mots : qu'ayant été placé par le roy et par le gouverneur personne n'avait droit de le retirerAstucieux ! De leurs côtés, les chefs autochtones de Miramichi protestaient contre la perte de leur missionnaire.

Le 9 octobre 1768, l'évêque adressa une lettre aux habitants de la baie des Chaleurs, en leur ordonnant de ne plus avoir aucun commerce ni société pour la religion avec le frère Bonaventure Carpentier, recollect, [...] de le faire sortir du presbitere dans lequel il n'a plus de droit, de retirer la clef de l'église et sacristie d'entre ses mains, et tous les ornemens et vases sacrés

Etienne ''Bonaventure'' Carpentier finit par se rendre à Québec. En 1769, monseigneur Briand le nomma curé de Saint-Nicolas. Mais, après quelques mois, ''il se brouilla avec les marguilliers''. Il alla se réfugier chez son cousin, aussi membre du clergé, et l'assista dans sa paroisse pendant trois ans. En 1772, l'évêque lui remit le pouvoir d'exercer le ministère qu'il lui avait encore enlevé, excepté la confession. Deux ans plus tard, il redevint curé de Saint-Nicolas. Il y décéda le 6 janvier 1778.

Malheureusement, les actes d'Etienne ''Bonaventure'' Carpentier disparurent dans l'incendie de l'église de Bonaventure en 1791, une chapelle qui avait été implantée en 1764 sur le banc de sable, à la pointe de Beaubassin. Evénement qui nous prive de preuves manuscrites de mariages, de naissances et de décès qui eurent lieu entre 1760 et 1769.

© Lucie Delarosbil, 2020

SOURCES & RÉFÉRENCES : Etienne ''Bonaventure'' Carpentier : DBC par Fidèle Thériault, Odoric Jouve (p. 82 à 88), Cyprien Tanguay (p. 103); Mgr Jean-Olivier Briand : Wikipédia; James Murray : Echo d'un peuple, DBC par G. P. Browne; James WolfeEcho d'un peuple, DBC par C. P. Stacey; Baie des Chaleurs : Campagne de destruction de la part des Anglais 1758, Fonds Placide Gaudet (boîte 32), no 32.5; Eglise de Bonaventure : Patrimoine culturel du Québec, Musée acadien du Québec.

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