Lettre à mon ami Louis

Publié le par Lucie Delarosbil

Cher Louis,

Mardi le 7 juin dernier, j’ai appris subitement l’une des plus mauvaises nouvelles de ma vie, celle de ton décès en France. Le choc ! L’incroyable choc ! Comme beaucoup d’autres de tes amis, ça ne se pouvait pas. Oh non ! Pas Louis ! C’est toujours comme ça quand on perd une personne chère. Je l’avais déjà vécu avec mon père, mon frère, le père de mon fils, mes grands-parents. Avec toi, je perdais un très proche ami et un collègue passionné. Nous échangions tellement de confidences. Tu me manqueras. Tu me manques déjà. J’ai de la misère à croire à ton départ. Je ne t’oublierai jamais.

Le centre d’entraide

Je me souviens de notre première rencontre, à la soirée de fondation d’un centre d’entraide à Québec au printemps 1999. Nous étions assis au fumoir. Tout en jasant avec les autres, on s’était rendu compte que nous venions de la même région, la Gaspésie. Nous avions aussi le même âge. Tu avais fait ton secondaire à Chandler. Moi, à Paspébiac. Nous avions fait du théâtre amateur, chacun dans notre école polyvalente, en même temps. Tu te rappelais que la troupe Les Mal-Aimés était allée jouer à Chandler. Le théâtre d’interventation en création collective t’avait beaucoup impressionné. Tu me l’avais dit. Plus tard, tu avais étudié en animation et en théâtre. Ce soir-là, tu m’avais confié que tu avais de la famille à Paspébiac, du côté de ta mère. Je connaissais bien tes cousins. Ensuite, quand l’assemblée de fondation débuta, nous nous étions présentés devant les nombreuses personnes et nous avions été élus au conseil d’administration.

Dans ce centre, un organisme à but non lucratif, tu avais animé un atelier de théâtre et j’étais participante. Nous pratiquions la pièce Albertine en cinq temps, une pièce québécoise. Je personnifiais Albertine à quarante ans. Ah ! Comme je l’ai aimée, cette Albertine ! Puis, il y eut la fête de l’Halloween qui était aussi le jour de mon anniversaire. Tu t’étais déguisé en grande diva. Impressionnant ! Toi, si grand ! Tu nous avais fait drôlement rire. Puis, il y eut le souper de Noël. Toute une soirée ! Une soirée remplie de surprises, de plaisirs et de rebondissements. Une soirée intense !

En tant que membres du conseil d’administration, nous avions eu à gérer dès le début une grande crise. On passait beaucoup de temps à « bénévoler ». Ensemble, on avait organisé un plan d’activités d’autofinancement pour le centre. Eh oui, on en avait passé du temps ensemble. Dans un café à discuter. Au téléphone. L’année suivante, quand j’ai quitté le centre, tu étais tombé des nues. Tu n’en revenais pas de ma démission, de ma détermination. Le centre vivait une autre crise. Les gestions de crises, ce n’était pas ce que je voulais faire dans un centre d’entraide. Trop prenant. Trop bousculant. Trop envahissant. Pour moi, du moins. Pour toi aussi, je crois.

L’entre-deux

Un jour, tu m’avais prêté un livre et tu m’avais dit qu’il avait un élastique. Je ne connaissais pas cette expression. J’avais tellement ri quand tu m’avais répondu que ça voulait dire « pour qu’il te revienne ». Bien sûr, il t’est revenu. Quelques années plus tard. Car on s’était perdus de vue avant que je te le remette. Tu avais aussi quitté le centre, peu de temps après moi. Un autre jour, quand je t’ai parlé de généalogie, une nouvelle passion qui commençait à germer en moi, tu m’avais demandé de te faire un arbre. Déjà ! Je l’avais fait ton arbre, du côté de ta mère, mais je n’avais pas eu le temps de te le donner, pour la même raison que le livre.

Avant qu’on se perde de vue pour quelques années, on s’était rencontrés dans un café. Tu m’avais parlé du projet que tu chérissais, un organisme communautaire basé sur le théâtre d’intervention et le théâtre pour le rétablissement. Plus tu m’en parlais, plus ton emballement devenait contagieux, plus je visionnais tes paroles et tes gestes, plus j’entrevoyais la réalisation de ton rêve. En ce moment, je me souviens de tes bras, de tes mains et de tes doigts avec lesquels tu racontais tes idées. Tu y croyais avec tellement d’ardeur et d’ébullition que j’avais intégré l’image en moi. Je le souhaitais de tout mon coeur. Tu désirais que j’en fasse partie, que je t’accompagne sur ton chemin. Tu voulais tant. Tu te sentais un peu seul. Mais moi, ma voie était dirigée vers un autre ailleurs, mon très cher Louis, vers la continuité de mes études, dans mon monde de recherche et d’écriture. Comme toi, j’ai réussi lentement mais sûrement.

Un soir, en décembre 2005, on s’était rencontrés dans une gare d’autobus à Québec. Quelle joie de se revoir ! Je partais passer Noël dans ma famille en Gaspésie. Toi, je ne sais trop où dans les bois avec des bûcherons. Était-ce dans le nord de La Tuque ? Pardonne-moi, je ne sais plus. Et un autre moment donné, tu étais de retour à Québec. C’est flou dans ma tête : 2007 ou 2008. Tu étais plongé dans ton projet, dans les débuts de sa concrétisation.

Ton projet concrétisé

Nous retrouvailles s'étaient produites sur un réseau social en 2010. Tu m’avais suivie dans mon voyage de musique à Perpignan en 2011. Ce que permet la magie d’Internet. À mon retour, tu m’avais réservé un billet pour la pièce Parle pas de t’ça, l’oeuvre grandiose de la troupe-école que tu avais enfin réussi à créer. J’en avais pleuré, tellement c’était beau et vrai, intense et sensible. Ce soir-là, j’étais fière de toi, de te connaître et d’être ton amie. À la fin, quand je suis allée te voir au devant de la scène, on s’était serrés fort dans les bras, contents de se retrouver, de se revoir en face-à-face. Je t’avais dit : « Louis, cette pièce, il faut qu’elle dure plus longtemps que Broue. Il le faut ! » Et tu avais souri en riant, ou ri en souriant. Tu vois le genre : tout toi !

Après ce soir-là, tu m’avais vite intégrée à ta troupe et à tes amis. Nous avions fait des pratiques de la pièce Porte 54 dans le local du sous-sol, une adaptation d’un roman québécois. Je faisais connaissance avec quelques acteurs et actrices, dont Lucie, devenue mon amie, elle aussi, avec le temps, ainsi que Doris. Je faisais une ou deux scènes avec Lucie. Un jour, j’avais rencontré Christine et Alexandre, les nouveaux de Parle pas de t’ça; Paul et François, le technicien et le photographe. Puis, pour accompagner son texte, Christine était tombée amoureuse de Femme Courage, ma chanson. Tu étais d’accord. Un grand bonheur pour moi !

Au fil du temps, tu t’étais mis à m’inviter à vos rencontres formelles du conseil d’administration provisoire des Merveilleuses Têtes Heureuses et à me convaincre de faire partie de la fondation officielle. Tout le monde se rencontrait un jour ou deux par semaine, je prenais les notes. Puis, tu voulais que j’organise un gala avec toi, qu’on recherche ensemble les personnes compétentes pour nous aider. Un autre jour de la semaine à travailler avec toi. C’était l’été, il faisait beau. Tu m’avais présenté de nouvelles personnes. On fréquentait les terrasses des cafés du centre-ville de Québec.

Puis, ce fut le Festival à Esprit-Saint. Doris et moi avions accompagné la troupe. Deux jours et deux nuits dans un grand presbytaire. Juste pour nous. Impressionnant ! Que du plaisir ! Une superbe soirée de karaoké, presque toutes nos prestations filmées par Paul et photographiées par François. De beaux moments dans les annales des MTH, de beaux souvenirs à commémorer. Il le faudrait. Au retour, dès l’automne, nous organisions une journée de portes ouvertes et la soirée de fondation de la troupe-école des MTH. Je t’avais proposé la date du 11 novembre pour la fondation. « Pour la chance. » Ébloui, tu avais accepté. Sans hésiter. Le 11 du 11 de 2011 était assurément le soir à choisir pour cet événement.

Toi, mon ami, tu étais devenu ce qu’on appelle un « pair-aidant ». Tu avais suivi la formation et tu voulais que je le fasse. Tu avais commencé à m’en parler en 2012. Je me sentais plus ou moins intéressée, bien que je trouvais le programme fort intéressant. Moi, c’était la généalogie, ma passion. Encore avec Doris, je vous ai accompagnés au Festival du TRAC à Paspébiac en mai pour jouer Parle pas de t’ça. Au retour, tu m’avais glissé un mot inspirant sur le roman français Le magasin des suicides. Tu voulais que je le lise, je l’ai lu et adoré. Tu voulais que je l’adapte en pièce de théâtre. En juillet, j’avais commencé à l’étudier et à l’écrire. Puis, tu nous étais arrivé avec Les muses orphelines, une pièce québécoise, à pratiquer dès l’automne, ce qu’on avait fait pendant quelques semaines, avec Lucie et Doris. Déjà en août, je m’étais mise à la tâche d’apprendre par coeur le texte de mon personnage. Avec Doris, on faisait des lectures au téléphone. Finalement, avec grands regrets, j’ai quitté les MTH. Je voulais continuer la généalogie. Par contre, je gardais le contact avec vous, je ne voulais pas vous perdre.

Quand j’ai appris ton contrat de travail en France, j’étais contente pour toi, mais j’avoue que cela m’avait fait un petit quelque chose au coeur. Tu ne revenais plus. Quand allions-nous te revoir ? Quand j’ai pensé retourner faire un voyage en France, tu m’as invitée chez toi. Je n’avais pas pu partir. Quand j’ai su que la troupe allait jouer en France, j’étais émerveillée. Quand tu es décédé, c’était trop ironique pour y croire.

Ta généalogie de Paspéya

Tu m’avais informé du nom de tes parents, Yvon-Ludger Gagné et Desneiges Parisé, mariés en 1954. Tu avais trois soeurs et un frère. Ta mère était la fille d’Eugène et d’Arthémise Boudreau, mariés en 1930. Ton grand-père Parisé, né le 23 juin 1909, était le fils d’Achille et d’Angélina Huard, aussi prénommée Zélina et Exina, mariés le 20 janvier 1891. Achille, né le le 6 juin 1864, était le fils d’Achille et de Luce Langlois, mariés le 20 janvier 1863 à Port-Daniel. Angélina, née le 12 octobre 1873, était la fille de Jean et de Modeste Anglehart, mariés le 22 novembre 1870.

Ton arrière-grand-père Parisé, né le 3 juin 1840, était le fils de Timothé (fils de Michel et de Rosalie Roussy) et de Monique Arotséna (fille de Pierre et de Marie Darosbille), mariés le 30 septembre 1833. Son épouse, Luce Langlois, née vers 1840, était la fille de Hyacinthe (fils de Jean-Baptiste et de Christine Duguay) et d’Angélique Castilloux (fille de Benjamin et de Marthe Albert), mariés le 17 janvier 1832 à Port-Daniel.

Ton arrière-grand-père Huard, né le 4 novembre 1838, était le fils de François (fils de François et de Henriette Duguay) et d’Adélaïde Castilloux (fille de Jean et de Jeanne Chapados), mariés le 7 avril 1823. Son épouse, Modeste Anglehart, née le 29 septembre 1849, était la fille de Nérée (fils de Philippe et d’Isabelle Darosbille) et de Sophie Huard (fille de Luc et d’Anastasie Fulham), mariés le 9 février 1843. Marie et Isabelle Darosbille étaient les filles, aînée et cadette, du pionnier Bertrand Darrosbile.

Ta grand-mère, Arthémise Boudreau, née le 19 février 1910, était la fille de Pierre et de Virginie Delarosbil, mariés le 31 janvier 1891. Ton arrière-grand-père Boudreau, né vers 1867, était le fils d’Arsène (né vers 1847, le fils de Jean-Baptiste et de Marie Mercier) et de Marie Dubois (née le 23 avril 1843 à Percé, la fille de Jean et de Suzanne Chouinard), mariés le 23 janvier 19 janvier 1863 à Percé. Son épouse, Virginie Delarosbil, née le 25 juin 1869, était la fille de Narcisse et de Delphine Castilloux, mariés le 22 novembre 1864.

Narcisse, né vers 1837, était le fils d’André (né Adrien) et de Théophite Lebrasseur, mariés le 25 janvier 1836. Delphine, née le 16 septembre 1844, était la fille de Félix et de Geneviève Albert, mariés le 27 novembre 1838. André-Adrien, né le 16 juillet 1812, était le fils d’Adrien (fils de Bertrand et de Marie Dunis, né le 3 mars 1792) et d’Osithe Duguay (fille de René et de Françoise Gallien, née le 17 décembre 1791). Adrien et Osithe s’étaient mariés le 11 du 11 de 1811.

© Lucie Delarosbil, 2016

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E
Il était important cet ami à qui vous rendez ce très bel hommage !<br /> Bon courage, Lucie !
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M
Mes sympathies pour la perte de ton grand ami. Très bel hommage !
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